Face aux défis de l’emploi et aux épreuves de la vie, Israël Yomi alias Johnny Yomi a su transformer l’adversité en opportunité. Parti d’une simple rencontre dans un marché d’Abidjan, ce jeune ivoirien a bâti Le Marché Bio, une plateforme qui met à l’honneur l’agriculture biologique locale. Entre ambition, résilience et passion, son parcours témoigne d’une volonté inébranlable de promouvoir une alimentation saine et accessible à tous.
Vision motivation et performance. Tels sont les maitres mots de la trajectoire de ce jeune ivoirien qui a décidé de reprendre le contrôle de sa vie après maintes péripéties. L’aventure démarre en février 2024, quand Johnny crée Le Marché Bio, une plateforme numérique dédiée à la vente de vivriers cultivés sans produits chimiques. Ce marché est approvisionné par des producteurs agricoles partenaires établis à Abidjan et à l’intérieur du pays.
Tout est parti d’une rencontre imprévue au Marché d’Adjamé (commune au Nord d’Abidjan): ‘’Ce jour-là, je suis venu faire quelques courses aux environs de 5h du matin et j’ai vu un jeune homme locksé occupé à ranger ses caisses de tomates. Par curiosité je l’ai approché, on a échangé et il a accepté de me faire confiance en tant que revendeur de son stock de tomates’’ ; raconte-t-il le regard chargé de nostalgie. De cet échange va naitre une collaboration fructueuse qui demeure.
Armé de son smartphone et d’une connexion internet, rigueur, discipline et transparence en bandoulière, le jeune homme réussit à s’imposer sur les réseaux sociaux. Les commandes explosent, les retours positifs affluent et il prend conscience du besoin réel des consommateurs pour des produits vivriers de qualité.
De 15 kilos à ses débuts, il en écoule désormais plus d’une tonne par semaine. L’activité s’est élargie à d’autres produits comme l’oignon, la carotte ou le piment, cultivés dans le respect des pratiques agricoles naturelles, loin des pesticides et OGM.

Au four et au moulin
Ce qui distingue son entreprise, c’est la fiabilité et la rapidité du service. En deux heures, il s’engage à livrer les clients. Plonger dans son quotidien au « Marché Gouro » d’Adjamé, c’est accepter d’être interrompu par des appels incessants de consommateurs impatients ou de restaurateurs exigeants.
L’un d’eux, un grossiste revendeur à plusieurs restaurants de la capitale s’impatiente. Ne dit-on pas que ‘’le client est roi’’ ? Alors il faudra faire avec ! Vous l’aurez compris, Johnny est seul à tout faire : coordonner la logistique, réceptionner les camions, vérifier l’intégralité de la marchandise, gérer les réseaux sociaux et les commandes, assurer les livraisons.
Dès 4h 30, il faut déjà être sur les lieux pour réceptionner la marchandise. Les livraisons commencent dès 8h30 pour s’achever aux environs de 17h ou même 22 h. Tout dépend du rythme des commandes. ‘’Le Marché Bio est une entreprise légalement constituée mais je n’emploie pas pour l’instant. Je travaille en partenariat avec d’autres entreprises dans le domaine de la logistique.
Dans quelques mois je pourrai recruter quelques personnes suite à ma première récolte de maïs’’ ; détaille-t-il non sans ajouter qu’‘’il est important pour un entrepreneur de maitriser les contours de son business avant de s’ouvrir au monde, même si cela est souvent difficile’’. Avec son teint d’ébène mis en valeur par un sourire sincère, Johnny dégage de l’assurance. Vêtu de sa tenue de terrain : tee-shirt noir, culotte kaki, baskets dans une allure élancée ; il incarne la force tranquille de ceux qui ne lâchent jamais prise.
Une alimentation saine pour une meilleure santé
Au-delà de fournir des produits naturels, Johnny est un fervent défenseur d’une alimentation saine qui garantit, insiste-t-il, une meilleure santé et par conséquent ‘’une plus grande espérance de vie’’. Pour lui, consommer des légumes cultivés sans produits chimiques, c’est préserver sa santé. « Avec les intrants synthétiques, la maturation est forcée. Les légumes changent vite d’aspect. Avec les méthodes naturelles, ils se conservent plus longtemps à l’air libre. On peut aller jusqu’à 4 jours pour la tomate par exemple », explique-t-il.
Afin d’éviter toute polémique, il n’hésite pas à présenter via ses canaux sociaux, les champs où sont cultivées les récoltes qu’il revend.
L’un des objectifs du Marché Bio est de garantir un approvisionnement même en contre-saison, afin d’atténuer les fortes variations de prix. « L’idée, c’est de permettre à chacun de se ravitailler, que ce soit les grossistes, les demi-grossistes ou les particuliers. Nous adaptons aussi les prix pour ceux qui souhaitent revendre. Et comme beaucoup n’ont pas toujours le temps de se rendre au marché, nous assurons des livraisons rapides », note-t-il.

L’envers du décor…
Le parcours de Johnny Yomi n’a pas été un long fleuve tranquille. Avant d’en arriver là, la route a été chaotique. En 2019, il décroche une licence en économie internationale mais face à la dureté du marché de l’emploi, son aventure professionnelle démarre dans un call center. Il faut bien pouvoir mettre de la nourriture sur la table. L’homme se tourne ensuite vers le marketing relationnel, donne un coup de main dans le champ de sa tante à ses temps libres mais en 2022 survient la perte brutale de sa mère. Là, le monde autour semble flou, insignifiant, presque irréel. Chaque souffle est lourd, chaque pas est incertain. L’envie de lutter s’érode, remplacée par une lassitude écrasante, une impression de chute sans fin.
Toutefois, le déclic finit par arriver. Grâce à ses expériences passées, il développe une fine connaissance du comportement client : identifier ses besoins et savoir comment les satisfaire. Pour cet amoureux du contact humain, il est temps de surmonter les obstacles.
Originaire de l’ouest de la Côte d’Ivoire, ce jeune entrepreneur est convaincu que tout part du mental : ‘’ Ce n’est pas facile comme activité mais en tant que jeune, j’estime qu’on ne doit pas rester inactif car c’est à cet âge qu’on doit tout donner, croire en nous et en nos rêves. Je suis de ceux qui pensent qu’il y a toujours une solution.
La terre est riche alors je me fixe des objectifs et je me donne les moyens de les atteindre. Je continue de travailler sur moi pour pouvoir exceller dans mon activité’’. Aujourd’hui, Le Marché Bio est confronté à des défis d’ordre logistique. Et son fondateur espère bénéficier d’un coup de pouce d’investisseurs.
Il a d’ailleurs récemment présenté son projet à la Foire nationale de l’emploi et du recrutement organisée par l’Agence Emploi-Jeunes du 03 au 05 Mars 2025 qui lui a promis un million de francs CFA sur une demande d’investissement de 7 000 000 FCFA. ‘’La Côte d’Ivoire, renchérit-t-il, a fondé son économie sur l’agriculture et je pense que nos dirigeants savent la portée de ce secteur pour le pays. Alors nous jeunes devons tirer notre épingle du jeu. J’invite les investisseurs et les incubateurs à jeter un regard sur le projet et à voir ensemble comment peaufiner Le Marché Bio’’.
L’entreprise s’est lancée à ce jour, dans la production de maïs, de piment et de tomate dans ses propres champs ainsi qu’à la mise en place de point relais dans les communes d’Abobo et de Marcory.
Johnny sait compter sur l’aide d’un ami qui, dans l’ombre, travaille à structurer son business et est pour lui une oreille attentive, un conseiller infatigable. Rêvant d’expansion, le fondateur du Marché Bio est la preuve que les racines les plus solides naissent souvent des terres les plus arides.


