« Il ne nous reste que la orêt de Mbao«
Plusieurs espoirs sreposent sur la forêt classée de Mbao, pratiquement le dernier poumon vert de Dakar. Le socio-environnementaliste Mamadou Diop explique dans cet entretien tous les risques d’ordre écologique, économique voire l’impact sur la recherche qui découlerait de l’agression de cet écosystème.
EMMANUELLA MARAME FAYE
En plus d’un bon nombre d’agressions, aujourd’hui, la question du déclassement de la forêt fait débat. D’un point de vue écologique quel serait l’impact d’un tel projet ?
Dakar étouffe. Nous sommes tous conscients que Dakar est une ville très polluée, c’est normal parce qu’il y a très peu d’espaces à Dakar. A la pollution des industries s’ajoute celle des micro-industries installées dans les ménages. Il y a une forte concentration humaine, d’activités économiques et de production et à cela se combine une forte régression du végétal. Il y a très peu d’espaces qu’on peut considérer comme poumon vert à Dakar. On peut citer le parc zoologique de Hann qui est de plus en plus fragilisé par les nombreuses sollicitations des citadins, mais aussi par les nombreux aménagements parfois même privés. L’autre poumon c’est le technopole qui est une zone humide urbaine mais malgré son statut très récent, il a été très agressé et on constate énormément de remblais au niveau de ce site avec des dépôts de gravats, d’ordures et de pneus. L’espace est très dégradé au niveau du technopole ou le tapis herbacé n’est déjà pas très important. Donc, il ne nous reste que la forêt classée de Mbao, si je ne me trompe on avait dans la région de Dakar entre 10 et 11 forêts classées à l’époque mais il en reste très peu aujourd’hui.
La forêt classée de Mbao est une exception, c’est la seule formation végétale importante dans cette région-là. Elle joue un rôle très important dans la séquestration du carbone, un rôle non négligeable dans la purification de l’air mais aussi dans la réduction de la pollution parce qu’on sait que la végétale a cette capacité d’absorption du gaz carbonique émis par nos activités industrielles en plus de l’impact du parc automobile vétuste. Si cette forêt disparait cela va accentuer la pollution à Dakar. C’est une forêt urbaine qui participe à la création de microclimat. Cet écosystème regorge d’une biodiversité assez riche et c’est là que les oiseaux vont nicher le soir. Le couvert végétal est agressé de toute part, vous connaissez bien la situation au niveau des Mamelles. Au Plateau les vieux arbres sont en train de mourir et on ne les remplace pas, les grands espaces verts qu’on avait à Dakar ont disparu et maintenant dans les nouveaux quartiers résidentiels, les gens ont rasé tout ce végétal pour le remplacer par du béton sans compter les infrastructures routières et auto routières. Cela veut dire qu’à Dakar le végétal a reculé de façon drastique pourtant les activités de production très polluantes sont en train de s’accroitre. Dakar est une presqu’ile où il n’y a pas suffisamment d’espaces ce qui fait qu’elle n’est pas aussi ventilé que ça parce qu’avec cette forte concentration de bâtiments, la circulation des vents devient difficile et de facto l’évacuation des principaux polluants mais aussi des matières en suspension qui se concentrent dans l’air. C’est la raison pour laquelle on perle souvent de mauvaise de qualité de l’air à Dakar. Si cette forêt est menacée ou disparait, bonjour les dégâts. En outre, la forêt de classée de Mbao peut être un réceptacle naturel des eaux de pluie maintenant si elle disparait et que l’espace est occupé par des aménagements cela va réduire la capacité d’infiltration des eaux de pluies de la région de Dakar. Les gens oublient que ce sont les aménagements qui sont à l’origine de ces inondations et à Mbao il y a des zones inondables de même qu’à Keur massar… donc le surplus d’eau peut être drainé vers la foret qui va jouer un rôle de réceptacle naturel. Où vont aller toutes ces eaux si elle disparait ?
Peut-on s’attendre à des conséquences économiques ?
Il faut rappeler que cette forêt est très particulière car elle regorge d’activités économiques. Des femmes bénéficient de contrats d’activités de culture, la production maraichère y est assez développée. Elles appuient la direction des Eaux et forêts dans la production de plants en pépinière, ce sont notamment les femmes de Kamb. Il y a également d’autres particuliers qui ont bénéficié de contrats de culture et qui font du maraichage à l’intérieur de la forêt classé. Ce serait une perte d’activité génératrice de revenus si on s’attaque à cet écosystème. Les populations peu nanties utilisent aussi le bois de cette forêt pour la cuisine, ce n’est pas négligeable. C’est une formation à anacarde occidentale (darkaasé) donc en période de production, il y a des populations qui cueillent les fruits tels que les amandes et en tirent des revenus sans compter l’auto consommation. Et Puisque c’est une formation boisée, des guérisseurs peuvent y aller pour chercher des produits végétaux à usage médicinal et à travers cette activité tirer des revenus.
D’aucuns pensent que la recherche va aussi en pâtir…
La forêt classée de Mbao est par excellence une zone d’étude pour des départements comme ceux de la biologie végétale et même animale parce qu’on peut trouver des types d’animaux (surtout la microfaune) qui peuvent intéresser la recherche. Des étudiants de l’ISE (Institut supérieur de l’environnement) ont eu à faire leurs études dans cette forêt et d’autres étudiants pourront l’utiliser comme lieu d’étude. Elle sert aussi à l’éducation environnementale parce qu’à Dakar l’école primaire, les collèges et lycées ont besoin d’organiser des sorties pédagogiques et pour cela il faut les amener dans des espaces où ils peuvent contempler des éléments de la nature et comprendre le processus de développement du couvert végétal. De plus en plus, le dakarois cherche à aller dans des zones boisées le dimanche pour souffler parce que les plages sont bondées. C’est très souvent au parc de Hann qu’il se rend mais le parc ne peut pas accueillir tout ce flux de personnes donc, si ce n’est déjà fait, demain la forêt de Mbao pourra servir d’air de récréation pour des promenades, randonnées cyclistes et pédestres. Ceux qui ont envie de sortir du béton, des quartiers où ils étouffent pourront demain aller pique-niquer en famille dans cette forêt.


