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DECLASSEMENT FORET DE MBAO

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Interview : Docteur Mamadou Diop, sociologue-environnementaliste

« Il ne nous reste que la orêt de Mbao« Plusieurs espoirs sreposent sur la forêt classée de Mbao, pratiquement le dernier poumon vert de Dakar. Le socio-environnementaliste Mamadou Diop explique […]

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De lourds enjeux à l’horizon

Sortie de terre en 1908, la forêt de Mbao est classe depuis le 07 mai 1940. Aujourd’hui alors qu’elle constitue le seul poumon vert encore debout de Dakar, son déclassement alimente une grosse polémique.

 

EMMANUELLA MARAME FAYE

 

Ailleurs on pleure des hectares de forêt partis du jour au lendemain en fumée, sous d’autres cieux les écosystèmes classés sont des trésors gardés jalousement mais au Sénégal, cette richesse n’a que peu de valeur. Normalement, la polémique autour de la forêt classée de Mbao n’aurait jamais dû avoir lieu pour au moins une raison : Dakar est la deuxième ville la plus polluée d’Afrique (source OMS). Inhaler 15 000 Litres d’air pollué chaque jour, c’est être exposé à l’asthme, aux cancers broncho-pulmonaires, à des maladies cardio-vasculaires, à la stérilité masculine, à des naissances prématurées…. Bref la liste est longue. Et les scientifiques tout comme les professionnels de la santé s’accordent sur le fait que la vétusté du parc automobile combinée à une forte concentration humaine dans la capitale en sont les principales causes. EnQuête a largement abordé cette question dans son édition du 28 mai 2020 où ces spécialistes ont insisté sur deux mesures : le rajeunissement du parc automobile et l’augmentation des espaces verts. En effet, le couvert végétal absorbe les particules polluantes pour nous donner en retour de l’oxygène. Dans une région qui supporte presque tout le poids économique du Sénégal, qui grandit de manière vertigineuse, on devrait être à l’heure de la préservation de ce qui reste comme espace vert et s’atteler à un renforcement. Bien au contraire, pendant que certains rasent la verdure de la corniche, d’autres œuvrent pour un déclassement de la forêt de Mbao, dernier poumon vert de Dakar. Si en 2020, c’est la construction d’un cimetière qui est à l’ordre du jour, hier il s’agissait de plusieurs projets de l’Etats. ‘’De nombreux programmes fonciers et immobiliers empiètent sur le périmètre de la forêt qui pourtant est un espace non aedificandi c’est-à-dire non constructible. La construction de l’autoroute à péage est venue sonner le glas, réduisant les surfaces forestières à une peau de chagrin. Actuellement avec le tracé de plusieurs pistes et routes goudronnées, nous notons dans l’enceinte de l’aire protégée trois stations d’essence, un service de redistribution d’électricité, un centre de transfert et de tri d’ordures’’ a affirmé le  docteur youssouph Sané dans une contribution intitulée ‘’Environnement et ville : il faut sauver les écosystèmes de Dakar’’. L’autoroute en question a coûté 35 hectares à la forêt de Mbao. La cité de Mbao ‘’ville neuve’’ (construite sous Wade) en a retiré 29 hectares. Selon la direction des Eaux et forêts, cet espace vert assurant un approvisionnement durable des riverains en produits agro-sylvo-pastoraux subit de fortes contraintes foncière. A cela s’ajoute des dépôts d’ordures, un défaut de surveillance qui favorise les agressions ainsi qu’une exploitation irraisonnée des fruits forestiers et des plantes médicinales. De 805 hectares cet écosystème occupe aujourd’hui 722 hectares. Autant d’agressions qui expliquent la position des riverains.

 

L’exemple de Guédiawaye ne rassure point

 

‘’Il y a des structures auxquelles on a octroyé des hectares, une usine est localisée dans la forêt classée. Une partie avait été déclassée pour reloger des familles victimes de l’avancée de la mer, mais cet espace a été donné à des sociétés privées et on nous parle de titres fonciers attribués à une seule personne. Il y a plusieurs violations du Code environnemental par des sociétés nationales telles que la Sicap. Sans compter la construction du Train express régional qui traverse la forêt’’, confie Guirane Diène habitant de Mbao. Qui poursuit ‘’ils peuvent faire une extension du cimetière au niveau de Pikine. Mbao a un cimetière  pourquoi ne pas le transformer en cimetière municipal avec toutes les commodités ?   On refuse que ce qui s’est passé à Guédiawaye nous arrive. Certains ont utilisé le même prétexte de cimetière pour déboiser mais on ne voit toujours pas de cimetière. Après toutes ces terres sont tombées dans des mains de particuliers. On ne veut pas la forêt soit détruite’’. En effet, la forêt de Guédiawaye a été déclassée en 2018 après une demande des autorités des communes de Golf sud, Ndiarème Limamoulaye, Wakhinane-Nimzatt et Sam Notaire. Ces dernières ont invoqué un déficit d’assiette foncière considérant la bande comme l’unique espace capable d’accueillir les nouveaux édifices. Sauf que la section de Guédiawaye du Forum civil a plutôt noté en novembre 2018, une coupe abusive des filaos, des bâtiments construits, des hectares de terres attribués à des tiers. A l’en croire certains détiendraient même des baux et permis d’exploitation ceci avant même le décret de déclassement.  ‘’Que nos parents, chefs de quartiers, délégués et imams mesurent bien la portée de leurs actes. Ils doivent refuser d’être embarqués dans des combats qui ne sont pas les leurs. Celui qui ne peut pas nous aider à protéger notre forêt n’a qu’à la laisser tranquille. Elle a perdu de sa densité et on ne voit pas l’impact de tous les projets annoncés depuis des années à part les montants qu’on a entendu. Ce qui a été fait est dérisoire, Mbao mérite plus que ça, l’aménagement d’une forêt ne se limite pas à mettre des bancs. Nous réclamons une concertation avant toute prise de décision, nous n’entrerons pas dans des querelles politiques. Que ça soit le maire ou le ministre de l’environnement, on leur demande de parler avec nous car c’est ici que nous vivons’’ ajoute notre interlocuteur. 

 

Une crise de confiance

 

Au Sénégal, l’idée de déclasser une forêt n’est pas nouvelle. Elle date de l’indépendance. Mais dans ce cas précis, le fond de ce problème n’est autre qu’une crise de confiance entre autorités et citoyens. Car les projets officiellement annoncés accouchent de tout autre chose sur le terrain. Les exemples ne manquent pas. L’autre épine c’est que cet espace relève du domaine du ministre de l’Environnement et du Développement durable qui lui est également de la commune de Mbao. Il est donc censé mieux connaitre les enjeux d’un déclassement. Il a d’ailleurs effectué deux visites récentes dans cette forêt. Une le 22  mai à l’occasion de la journée mondiale de la biodiversité où il annonçait plusieurs projets pour ‘’maintenir intacte la biodiversité’’ de cet espace. Abdou Karim Sall y était en fin avril pour annoncer une délimitation entre la forêt de Mbao et le cimetière de Keur Mbaye Fall. Toutefois, le 03 novembre 2019, dans l’émission ‘’le grand jury du dimanche’’ sur itv, il a affirmé qu’ ‘’on ne peut pas faire des omelettes sans casser des œufs. Dakar est aujourd’hui une capitale en pleine expansion, l’Etat ne peut pas ne pas déclasser pour donner ces espaces d’ailleurs il y a des villes qui aujourd’hui n’ont plus de possibilités d’extension. Si ces villes étaient adossées à des forêts classées on ferait le déclassement.’’ Abdou Karim Sall a ajouté que le plus importants c’est de trouver des compensations. Sur quel espace dans Dakar on pourrait procéder à compenser une perte de 10 hectares ? 

 

Un aspect juridique non négligeable

 

Par ailleurs d’un point de vue juridique, les choses prennent un autre sens. L’article 27 du Code forestier de 2018 pose les conditions et les modalités du déclassement. Il stipule que ‘’lorsque l’Etat l’estime nécessaire, dans l’intérêt général ou pour la sauvegarde de certaines formations naturelles, il peut procéder au classement des forêts et des terres. Le déclassement d’une forêt ou d’une terre à vocation forestière ne peut intervenir que pour motif d’intérêt général ou de transfert de responsabilités de l’Etat en matière de gestion forestière au profit d’une collectivité territoriale qui garantit la pérennité de la forêt’’. Et le dernier alinéa stipule que ‘’les modalités de classement et de déclassement sont fixés par décret’’. En d’autres termes, toutes les conditions juridiques sont réunies pour soutenir ce projet car la construction d’un cimetière répond bien à un intérêt général. Selon le juriste spécialiste des droits humains Mamadou Diallo ‘’au regard de la loi, il n’y aucune violation car l’érection d’un cimetière répond largement à la satisfaction d’un besoin d’intérêt général, surtout si ce besoin est d’une certaine urgence’’. Ainsi, le motif annoncé complique la démarche des populations de Mbao, même si l’on sait qu’on peut assister à une boulimie foncière. Les faits sont têtus…

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