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COP30 à Belém

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Ce qui se joue vraiment et ce que l’Afrique doit obtenir

La Conférence des Parties (COP30) s’ouvre comme l’heure des comptes : dix ans après Paris, les promesses doivent devenir une architecture d’action. Qui paie quoi, quand, comment, et sous quel contrôle. Pour l’Afrique, l’enjeu est double : obtenir des financements justes et des règles d’intégrité pour nos forêts et nos océans, afin de faire de l’adaptation un véritable moteur de croissance.

À Belém, en Amazonie, la séquence est inédite : faute d’hébergements suffisants, le Sommet des dirigeants (6–7 novembre) a précédé l’ouverture officielle de la COP30 (10–21 novembre 2025). Paradoxalement, ce “décalage logistique” a hissé l’enjeu politique d’un cran : 143 délégations, dont 57 chefs d’État et 39 ministres, se sont retrouvées avant même le coup d’envoi formel des négociations. Un signal de gravité autant que d’urgence. Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva et le Secrétaire générale de l’ONU António Guterres appellent à une unité mondiale renouvelée et à un leadership climatique audacieux. Dix ans après l’Accord de Paris, et un an après Dubaï, la question est frontale : tenons-nous encore la trajectoire de 1,5 °C ?

Ambition et confiance

La COP30 s’ouvre avec deux passifs majeurs. Premièrement, le déficit d’ambition des CDN (contributions déterminées au niveau national) : trop de plans restent incompatibles avec 1,5 °C, notamment sur l’industrie lourde et les transports. A cela s’ajoute, une crise de confiance financière qui accentue les retards, l’opacité, la lenteur des décaissements… Un tableau qui dilue la crédibilité des promesses.

La présidence brésilienne, quant à elle, veut une “COP de mise en œuvre”. Le test sera simple : un calendrier clair, des chiffres vérifiables, des mécanismes traçables.

Les gros dossiers de Belém

L’enjeu majeur de cette énième rencontre internationale repose sur la transition énergétique. Il s’agira concrètement de passer du texte à la trajectoire

Et à cet effet, la décision du Bilan mondial (GST) 2023 a posé les mots : “transition juste, ordonnée et équitable vers l’abandon des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques.” À Belém, il faut désormais passer à la feuille de route : jalons 2026-2030, critères de “juste transition”, gouvernance sociale (emploi, formation, accès à l’énergie), et droits humains. L’objectif est double : réduire vite sans aggraver les inégalités.

Ce qu’il faudrait obtenir :

Un cadre opérationnel de la transition juste (principes, indicateurs sociaux, dispositifs de reconversion).

Des points d’étape (2027/2028) pour réviser les CDN en y intégrant les secteurs dits “durs”. Les secteurs durs regroupent les activités les plus difficiles à décarboner (ciment, acier, chimie, raffinage, aviation, maritime, poids lourds) car elles nécessitent de la très haute chaleur et émettent du CO₂ par procédé (ex. calcination du ciment), avec des équipements lourds qui durent des décennies.
Pour les transformer, il faut des solutions au-delà de la simple électrification : hydrogène décarboné, carburants durables, CCUS (captage-stockage du CO₂), matériaux bas carbone et recyclage/circularité assortis de financements et jalons clairs.

Faire de la conservation une “classe d’actifs” crédible

Le Brésil met les forêts au cœur des échanges. Au-delà du carbone, elles sont stabilité climatique, biodiversité, revenus locaux. Les solutions fondées sur la nature représentent jusqu’à 37 % des réductions possibles d’ici 2030. La présidence brésilienne pousse le Tropical Forest Forever Facility (TFFF) à 125 Mds $, à terme dont 25 Mds $ en capital initial, sur 10 ans, avec paiement aux résultats.

Les garde-fous indispensables

La protection des forêts doit reposer sur une transparence radicale : un MRV (Measurement, Reporting, Verification) solide et des données publiques permettant de suivre chaque résultat et chaque dollar. Elle doit aussi garantir une gouvernance inclusive, où peuples autochtones et communautés locales disposent de droits fonciers reconnus et d’un consentement libre et éclairé. Enfin, l’intégrité environnementale est non-négociable : pas de “crédits fantômes”, mais des projets qui prouvent des bénéfices pour la biodiversité et des co-bénéfices sociaux.
L’enjeu c’est d’obtenir un lancement politique du TFFF conditionné à ces standards, pour rendre la conservation bancable sans ouvrir la porte au greenwashing.

Financement : crédibiliser la “route” Bakou-Belém

Après la COP29, l’objectif monte d’un cran : 1 300 Mds $ par an d’ici 2030 via la feuille de route Bakou-Belém, en combinant fonds publics, capitaux privés et sources innovantes (taxes dédiées, réformes des banques multilatérales). L’enjeu n’est pas de répéter le chiffre, mais de montrer la mécanique, année par année.
Une trajectoire chiffrée 2026-2030 (part de subventions, prêts concessionnels, garanties, partage de risques), des cibles par usage (atténuation, adaptation, pertes et dommages, transition juste) et des réformes concrètes pour réellement déverrouiller l’investissement privé.

Redéfinir l’adaptation

L’adaptation n’est plus un coût subi : c’est un marché estimé à 1 300 Mds $ d’ici 2030, avec des retours socio-économiques pouvant quadrupler les coûts et un rendement moyen d’environ 25 %. Pour les pays vulnérables, la priorité est un financement prévisible et accessible, majoritairement en subventions, afin d’éviter une dette climatique. En clair, il s’agira de définir des cibles mesurables pour l’Objectif mondial d’adaptation (eau, agriculture, santé, villes), un accès fluide aux fonds d’adaptation et de pertes et dommages avec des délais raccourcis, et un quota minimal de subventions traçable.

Les “moments” politiques de Belém

Le 6 novembre l’accent a été mis sur les forêts et la finance, les océans et la lutte contre la faim ; le 7 novembre, les échanges ont porté sur comment quadrupler les carburants renouvelables, la transition juste et la mise en œuvre des objectifs climatiques et financiers. Ces annonces doivent préparer l’alignement en plénière, avec une vigilance particulière sur la position des États-Unis, dont l’influence peut accélérer ou freiner des mécanismes clés comme la tarification carbone maritime.

L’Afrique : trois priorités stratégiques

Des financements “justes” pour une transition juste.

L’Afrique a besoin d’abord de subventions pour l’adaptation, l’accès à l’énergie et les filets sociaux de la transition, puis d’outils de garantie et de partage de risques pour orienter l’épargne locale et régionale vers les renouvelables, l’efficacité énergétique, les réseaux et les transports propres. Des réformes doivent adapter les critères au risque africain, bâtir des pipelines de projets bancables et financer à taille PME.

Nature, forêts, océans : monétiser sans brader.

Il va falloir éviter les marchés carbone de mauvaise qualité et privilégier des paiements aux résultats vérifiés, des fonds mixtes à gouvernance inclusive et des mécanismes de partage de revenus. L’économie bleue (pêcheries durables, mangroves, tourisme de nature) doit générer des revenus récurrents, pas seulement des crédits.

Faire de l’adaptation un moteur de croissance.

L’adaptation doit entrer au cœur des plans d’investissement nationaux (agriculture intelligente, eau, santé climatique, villes fraîches), avec des fenêtres d’accès rapides pour collectivités et start-ups d’adaptation.

Ce qui ferait un “succès” à Belém

La réussite passe par un cadre opérationnel de transition juste (principes, indicateurs sociaux, calendrier, revues 2027/2028), un TFFF lancé avec un paquet d’intégrité (MRV public, droits autochtones, transparence financière, co-bénéfices biodiversité) et une répartition claire des 25 Mds de dollars initiaux. Elle suppose aussi une feuille de route financière de 1 300 Mds $/an détaillée par sources et usages, avec des engagements datés et un suivi trimestriel, ainsi que des cibles chiffrées pour l’adaptation, des quotas de subventions et un fast-track Pertes & Dommages. Les annonces sur Belém 4X, Océans et Faim doivent se traduire en fonds et programmes capitalisés, pas en slogans.

À l’inverse, l’échec se verrait à des chiffres sans mécanismes, des promesses sans calendrier, des outils forestiers sans garde-fous, et une adaptation financée par la dette.

Transformer Belém en résultats (acteurs africains)

Les gouvernements doivent déposer des listes de projets prêtes (énergie, eau, agriculture, villes) avec une structuration financière claire. Les villes et régions doivent s’arrimer au Forum des dirigeants locaux pour accéder aux guichets et publier l’impact (eau économisée, emplois verts). Les entreprises peuvent proposer des partenariats d’exécution (pilotes d’efficacité, achats d’énergie propre, chaînes bas-carbone) avec des KPIs publics. Les ONG et communautés ont un rôle d’integrity watchdog : surveiller TFFF et marchés carbone, documenter le terrain, co-gérer les projets et auditer les résultats sociaux.

Dix ans après Paris, les technologies propres sont moins chères et l’investissement vert progresse, mais la trajectoire reste trop lente. Belém réussira si la diplomatie se mue en architecture opérationnelle : qui paie quoi, quand, comment, sous quel contrôle, pour quels résultats. Pour l’Afrique, trois clés sont décisives : plus de subventions pour l’adaptation, des règles d’intégrité pour valoriser nos écosystèmes, et des réformes financières qui libèrent le capital vers une transition juste. Si ces conditions sont réunies, les promesses de Paris et Dubaï peuvent devenir des réalités vécues dans nos villes, nos forêts, nos écoles et nos entreprises.

2 réflexions sur “COP30 à Belém”

  1. C’est inspirant ! Bien rédigé et met en avant l’urgence de protéger la forêt et financer le climat.
    Fond cohérent ! Surtout sensibilisant.

    Le plan d’action serait assurément à la hauteur!

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